LES ACHATS DANS LE DOMAINE DES IMPLANTS MEDICAUX.

LE CAS DES STIMULATEURS IMPLANTABLES

 

1.     Introduction. 1

2.     Les implants de stimulation électrique. 2

2.1.      Pacemakers. 2

2.2.      Défibrillateurs implantables. 2

2.3.      Stimulateurs gastriques. 2

2.4.      Stimulateurs neurologiques. 2

2.5.      Sondes de stimulation. 2

3.     Contraintes influençant l’achat de composants implantables. 3

3.1.      Biocompatibilité. 3

3.1.1.       Métaux. 3

3.1.2.       Thermoplastiques. 3

3.1.3.       Elastomères. 3

3.2.      Taille et tolérances. 4

3.3.      Propreté. 4

3.4.      Réglementation et qualité. 4

4.     Composants et technologies. 5

4.1.      La coque et l’emboutissage. 5

4.2.      Traversées étanches et liaisons céramique/métal 6

4.3.      Connecteurs et injection plastique. 6

4.3.1.       Inserts. 7

5.     Les fournisseurs de pays LCC.. 7

 

1.   Introduction

Les méthodes achats décrites dans mon site sont applicables dans n’importe quel secteur industriel si l’on tient compte et que l’on s’adapte aux particularités de chacun.

Il faut d’abord connaître les techniques et les acteurs du secteur dans lequel on travaille : Connaître les procédés de fabrication des composants dont on a besoin facilitera le sourcing et l’analyse de la structure des coûts. Afin de comprendre le rapport de force avec un fournisseur, il faut avoir une vision claire des concurrents, de leur différentiation et positionnement sur le marché.

Certains secteurs sont très concurrentiels et plus sensibles aux niveaux des prix qu’à la qualité. Dans d’autres, la technicité des produits, le respect des normes ou la passation de tests de qualification imposent de donner priorité à la qualité et à la technique. C ’est le cas des achats des composants d’appareils implantables médicaux.

De plus en plus de pathologies sont soignées en implantant des composants dans le corps humain : Ils existent des implants à court terme et d’autres à long terme (qui peuvent rester dans le corps humain plus de 29 jours).

Parmi les implants à long terme, on trouve les implants orthopédiques et dentaux, certains cathéters urologiques, les stents, les valves cardiaques, certains distributeurs de médicaments, et les différents appareils de stimulation électrique de nerfs ou muscles tels que les pacemakers.

 

2.   Les implants de stimulation électrique

On examinera ci-dessous les particularités des achats des composants mécaniques des stimulateurs implantables.

Ces appareils sont généralement composés  d’une coque métallique contenant une batterie et les hybrides qui traitent les impulses électriques, de connecteurs étanches auxquels on fixe des sondes qui vont jusqu’aux nerfs ou muscles à stimuler pour transmettre des impulsions  électriques. Ils ont un diamètre équivalent de l’ordre de 5 cm et font moins d’1 cm d’épaisseur.

Le corps humain fonctionne aussi grâce à de nombreux signaux électriques internes, c’est donc normal qu’en  stimulant certains organes on puisse soigner certaines maladies.

 

2.1.                   Pacemakers

Les pacemakers servent pour lutter contre la bradycardie : surtout chez les personnes d’un certain âge, les nœuds sinusaux ne sont plus capables de garantir un battement cardiaque suffisamment rapide et régulier. Les pacemakers réagissent à ces dysfonctionnements en donnant des impulsions électriques qui donnent le bon rythme de battement cardiaque en fonction de l’activité de la personne à la place des nœuds sinusaux.

 

2.2.                   Défibrillateurs implantables

Les patients souffrant de graves tachycardies peuvent avoir, par contre, besoin d’un défibrillateur implantable. Si le cœur fibrille, il n’est plus capable de pomper du sang et cela provoque très rapidement la mort du patient. Le défibrillateur est capable de détecter de telles anomalies et de relâcher des chocs électriques sur le cœur de 700V environ pour arrêter la fibrillation : un peu comme les défibrillateurs qu’on voit utiliser dans les téléfilms type « Urgences » mais depuis l’intérieur du corps et de façon automatique.

 

2.3.                   Stimulateurs gastriques

Les stimulateurs gastriques stimulent un nerf de l’estomac des patients obèses, ce qui lui fait produire des endorphines qui donnent la sensation de satiété.

 

2.4.                   Stimulateurs neurologiques

La stimulation neurologique permet de traiter des maladies liées à des dysfonctionnements du système nerveux telles que les paraplégies, le Parkinson ou la surdité profonde qui ne peuvent pas être soignées ni par des médicaments ni par opération chirurgicale. Les stimulateurs neuronaux, grâce à leurs impulsions électriques peuvent moduler, inhiber ou provoquer des messages nerveux pour contrer les maladies.

 

2.5.                   Sondes de stimulation

Les stimulateurs, vu leur taille, doivent être situés dans des zones où ils ne gênent pas trop le patient. Il faut donc des conducteurs pour transmettre les impulsions électriques entre le stimulateur et la zone du corps à stimuler.

 

 

3.   Contraintes influençant l’achat de composants implantables

 

3.1.                   Biocompatibilité

Un composant implanté dans le corps humain est soumis à un environnement aqueux hostile dû à la corrosion biochimique du sang et des fluides corporels et à la température du corps. Dans ce contexte, les implants ne doivent pas provoquer de réponse immunitaire, de formation de caillaux, d’inflammation des tissus, ni relâcher de substances toxiques dans l’organisme. 

De ce fait, le choix des matériaux à utiliser est extrêmement réduit. Tout matériau doit avoir prouvé sa biocompatibilité grâce à des tests sur animaux mais également les procédés de fabrication du composant (injection, emboutissage, usinage, etc.) doivent aussi être validés afin de démontrer qu’il n’y a pas de transformation chimique du matériau utilisé pendant la fabrication.

Les fournisseurs qui ne sont pas habitués à faire des pièces implantables peuvent sous-évaluer cet aspect et proposer des matières qui ne sont pas acceptables car moins chères et plus faciles à travailler.

Ci-dessous les principaux matériaux utilisés.

 

3.1.1.     Métaux

Les métaux les plus utilisés pour des applications implantables sont certains grades d’aciers inox 316 L et de titane T40, vu sa très bonne résistance à la corrosion, à la résistance mécanique et à la formabilité à froid.

L’or, le platine et certains de ses alliages (contenant de l’iridium) sont également souvent utilisés.

 

3.1.2.     Thermoplastiques

Les matières thermoplastiques les plus utilisées sont des matières déposées. Il s’agit  du Thecothane ™ (un polyuréthane thermoplastique) de propriété de Noveon (anciennement Thermedics) et du Peek Optima ™ d’Invibio/Victrex.

 

3.1.3.     Elastomères

La silicone est l’un des biomatériaux les mieux tolérés car non allergisant et inerte. On utilise couramment différents types de silicones de marque NuSil (qui a, entre autres, racheté les silicones de propriété Rhodia) ou Dow Corning qui fournit certains clients qui acceptent de se charger de toute responsabilité sur la biocompatibilité à long terme. Il y a des silicones liquides, injectables, et des silicones malaxables, gommeuses.

 

3.2.                   Taille et tolérances

Les stimulateurs implantables deviennent de plus en plus performants mais aussi de plus en plus petits car ils doivent gêner le moins possibles les patients.

C’est pourquoi les composants mécaniques sont en général très petits et doivent souvent respecter des tolérances de l’ordre de grandeur du micron.

Cela restreint énormément le nombre de fournisseurs potentiels car il faut un savoir-faire et des machines de tailles et précisions particulières

 

3.3.                   Propreté

Toutes les pièces directement ou indirectement en contact avec le corps humain doivent être lavées avec des substances qui ne laissent pas de trace toxique et/ou produites en atmosphère à environnement contrôlé. On parle de salle blanche classe 100 000 s’il y a moins de 100 000 particules de 0.5 µm par pied cube et moins de 700 de 5 µm. Les salles blanches classe 10 000 sont encore plus propres : moins de 10 000 particules de 0.5 µm par pied cube et moins de 70 de 5 µm.

Les fournisseurs qui ne connaissent pas encore le domaine des implants peuvent concevoir et côter les pièces sans prendre en compte ces contraintes : il faut veiller à les mettre en évidence dans les cahiers des charges.

 

3.4.                   Réglementation et qualité

Vu l’importance de la sécurité pour la santé des patients, les appareils implantables, pour pouvoir être vendus, doivent avoir été approuvés par des organismes locaux de contrôle tels que la FDA (Food and Drug Administration) aux Etats-Unis, la PMDA (Pharmaceutical and Medical Devices Agency) au Japon et doivent recevoir le marquage CE en Europe.

Le marquage CE déclare que le produit est conforme aux normes et législations européennes sanitaires, de sécurité et de respect de l’environnement.

Travailler dans un domaine si strictement réglementé, amène les sociétés fabricantes à s’organiser et respecter des normes telles que celles de la certification ISO 9001 :2000 ou ISO13485 :2003, similaire à la première mais focalisée sur la conception et fabrication d’appareils médicaux : pour travailler correctement une société doit identifier et gérer l’interaction des nombreux procédés.

Les sociétés doivent garantir la totale traçabilité des produits, c'est-à-dire connaître et retrouver à tout moment la composition et l’origine des matières premières, les procédés utilisés pour la fabrication, les machines et outillages utilisés, les sites de fabrication, la date de fabrication et les opérateurs et contrôleurs des produits.

Les sous-traitants travaillant dans ce domaine doivent à leur tour garantir cette même traçabilité.

Les services achats des fabricants d’appareils implantables doivent évaluer régulièrement la qualité et la fiabilité des fournisseurs afin de mettre en place des actions correctives envers ceux qui montrent des signes de baisse des prestations ou trouver des fournisseurs remplaçants.

 

4.   Composants et technologies

Voici le schéma d’un stimulateur et de ses composants principaux :

On y distingue le boitier ou coque (4) qui contient la batterie (5) et toute l’électronique (3) qui traite les signaux reçus de l’organe à stimuler et les impulsions à lui envoyer.

Les impulsions électriques sortent du boîtier à travers des traversées étanches (6) sur des fils électriques soudés aux inserts (1 et 2) présents dans les cavités (7). Le connecteur (8) est l’ensemble des composants qui servent à connecter la/les sonde(s).

Les fiches males des sondes sont bloquées à l’intérieur des cavités (7) à l’aide de vis serrées aux inserts (2). Ces contacts permettent le passage du courant entre le pacemaker et la/les sonde(s).

 

4.1.                   La coque et l’emboutissage

La coque (composant 4 dans l’illustration ci-dessus) est formée de 2 demi-boîtiers soudés entre eux afin de garantir une étanchéité parfaite et de protéger les composants à l’intérieur. Il s’agit généralement de disques de titane découpés à partir de rouleaux et emboutis à froid.

L’emboutissage est une technique relativement répandue mais appliquée au titane, elle reste une pratique plus complexe et maîtrisée par peu de fournisseurs. En effet, le titane a une sorte de mémoire de la forme précédente et s’il n’est pas correctement traité il a tendance à se déformer. C’est pourquoi on procède par deux emboutissages espacés de quelques heure ou par recuire les pièces afin de les stabiliser. Cette deuxième technique est peut-être plus sure mais plus chère et d’une logistique compliquée. En effet la majorité des emboutisseurs ne sont pas équipés pour ce traitement et ils le sous-traitent. Dernier problème, pour recuire le titane sans le polluer, il faut des fours exclusivement réservés à recuire le titane et peu de fournisseurs le font car dans d’autres domaines ce type de pollution est toléré.

Je connais 7 fournisseurs au monde qui produisent actuellement des boîtiers pour stimulateurs implantables. 4 aux Etats-Unis et 3 en Europe. Pour les fournisseurs américains, le secteur médical représente l’activité principale car les sociétés leaders des marchés des stimulateurs implantables sont là-bas et leur permettent des volumes intéressants. En Europe, il s’agit plutôt de fournisseurs issus des secteurs de l’automobile ou des télécoms qui ont décidé de différentier leur clientèle. La spécialisation des fournisseurs américains n’implique pas une meilleure compétence, au contraire les européens ont commencé à automatiser les procédés lorsque les volumes leur permettent de rentabiliser les outillages plus chers que ceux de l’emboutissage manuel.

 

4.2.                   Traversées étanches et liaisons céramique/métal

Les traversées (6) servent à faire passer le courant électrique en garantissant l’étanchéité du boîtier : les signaux des organes à stimuler et les impulsions à leur transmettre. Le courant est la seule chose qui doit entrer et sortir du boitier.

Les fils électriques qui transmettent ce courant sont des câbles métalliques très fins (en Platine-Iridium ou Niobium) et ne peuvent pas être en contact direct avec le boîtier pour ne pas faire court circuit. Pour les isoler, on préfère des matériaux céramiques au verre car les liaisons céramique/métal sont plus sures et résistantes. Les céramiques dont les fils électriques les traversent sont entourées par une collerette métallique pour en permettre le soudage avec les demi-boîtiers de la coque. Toutes les liaisons céramiques métal sont permises grâce à des brasages d’or à l’intérieur.

Chaque pièce doit être testée pour en vérifier l’étanchéité.

Je connais 3 fournisseurs de ce genre de produits pour applications biomédicales implantables : 2 aux USA et 1 en Europe. Ces technologies sont aussi utilisées pour des applications militaires ou spatiales, c’est pourquoi j’ai également identifiés 2 autres fournisseurs potentiels, 1 aux Etats-Unis et 1 en Europe. Les différences majeures entre médical et spatial sont les matériaux utilisés car pour des implants on n’a pas vraiment le choix comme on a vu ci-dessus. Les céramiques, entre autres, ne doivent pas contenir de substances toxiques qui pourraient être relâchées dans le corps humain.

Les stimulateurs implantables comme beaucoup d’autres appareils électriques peuvent avoir des interférences provoquées par les téléphones portables.

Afin de protéger les appareils et les patients, on filtre les signaux électriques échangés avec l’extérieur du stimulateur par des capacités dites « filtres capacitifs » qui sont liées aux fils électriques juste en dessous des traversées.

Là encore, peu de fournisseurs connus, 1 aux Etats-Unis, 2 en Europe, plus 2 outsiders…

 

4.3.                   Connecteurs et injection plastique

La/les sonde(s) doit/doivent être reliée(s) de façon stable au stimulateur tout en garantissant la transmission des courants électriques. On utilise pour cela des connecteurs (#8) qui ne sont autres que des pièces en plastique avec des cavités (#7) où l’on bloque la/les sonde(s) à l’aide d’inserts métalliques (#1 et 2) qui garantissent entre autres le contact électrique.

Ces pièces sont faites par injection plastique en Thecothane ™ car c’est le seul matériau plastique transparent, biocompatible et suffisamment solide et stable pour garantir les fonctionnalités du connecteur. C’est un matériau avec des caractéristiques particulières qui est très difficile à mouler. Il faut identifier les justes paramètres d’injection à utiliser car les pièces peuvent facilement se déformer en sortant du moule, se fissurer, présenter des zones opaques ou des bavures.

Les fournisseurs doivent injecter ces pièces en salle blanche, normalement en classe 100000, et doivent assembler les inserts métalliques en classe 10 000.

Je connais 4 fournisseurs avec de telles compétences et équipements : 3 aux Etats-Unis et 1 en Europe.

 

4.3.1.     Inserts

Les inserts sont généralement faits par décolletage et usinage de titane ou acier inox.

Une grosse difficulté pour ces pièces est la tolérance zéro vis-à-vis de toute bavure, qui pourrait se détacher et entrer en circulation dans le corps humain. Il faut veiller à définir ce qui est acceptable et les méthodes de contrôle. Il faut que fournisseur et le client soient en phase sur les  critères et les méthodes, aussi pour éviter tout litige sur la conformité des pièces à la réception.

Il y a de nombreux fournisseurs dans le monde, capables de faire ce genre de pièces : notamment il y a 5 spécialistes du domaine médical aux Etats-Unis et beaucoup de fournisseurs issus de l’horlogerie de précision en Suisse et en Savoie mais qui connaissent désormais parfaitement les contraintes des implants et qui sont donc aussi compétents que les fournisseurs américains.

 

5.   Les fournisseurs de pays LCC

Dans de nombreux domaines d’achats, faire appel aux fournisseurs des pays à bas cout de main-d’œuvre (Low Cost Countries = LCC) est désormais incontournable.

Dans le domaine des composants pour appareils implantables cela n’est pas encore le cas.

La technicité des pièces, les volumes souvent relativement faibles, les risques et responsabilités engendrées ont certainement démotivés les pays de l’Est à investir dans ce domaine. Mais cela va-t-il durer ?

Par contre, certains producteurs américains d’appareils implantables s’installent progressivement  au Costa Rica ou au Mexique et forment du personnel local. En conséquence, certains importants fournisseurs américains ont commencé à s’installer à proximité et forment également des personnes locales aux techniques nécessaires.

On assistera probablement bientôt à une prolifération de fournisseurs locaux qui vont se lancer, attirés par ces marchées en croissance, grâce aux compétences que les techniciens locaux vont acquérir.

Avec les restrictions budgétaires que la majorité des sécurités sociales dans le monde sont en train de prendre, les constructeurs vont devoir baisser les prix et leurs coûts de production.

Les fournisseurs occidentaux vont donc devoir optimiser leurs structures et garder un gap technologique avec ceux des pays LCC pour survivre.

 

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